Comment dissocier efficacement mission comptable et mission de conseil ?
10 mars 2022 – Temps de lecture : 5 minutes
Le constat semble évident aujourd’hui : les experts-comptables s’orientent de plus en plus vers des missions de conseil et d’accompagnement au détriment de la mission de tenue comptable (laquelle est grignotée peu à peu par les plateformes d’automatisation). Problème, ces prestations de conseil sont souvent perçues comme faisant partie d’un « package » proposé naturellement de pair avec la mission comptable. Dans ce contexte, comment réussir à mieux valoriser ces missions de conseils ? Les pistes de réflexion proposées dans cet article sont issues d’un grand nombre d’entretiens menés auprès d’experts-comptables.
L’enjeu capital lié à la valorisation des missions de conseil
Lors d’une mission de tenue comptable, l’expert-comptable est sollicité régulièrement par son client pour répondre à des questions concernant la gestion de son activité :
« Comment réduire mes charges sur tel ou tel poste de dépenses ? »
« Est-ce que je disposerai d’une trésorerie suffisante dans les mois qui viennent pour investir ? »
« Comment optimiser mon résultat pour payer moins d’IS ?
De nombreuses questions auxquelles l’expert-comptable répond généralement au fil de l’eau.
La difficulté est double :
- Ce temps passé à répondre est chronophage et il est délicat de facturer ces conseils en plus de la mission principale.
- La facturation de la mission principale de tenue comptable est elle-même tirée vers le bas en raison de la multiplication des technologies d’automatisation.
L’enjeu semble donc être pour l’expert-comptable de faire prendre conscience à son client que, s’il est naturel qu’une certaine dose minimum de conseil soit apportée conjointement à la mission comptable, un accompagnement renforcé dans la gestion de l’activité doit être valorisé.
Pour ce faire, 3 leviers principaux ressortent des entretiens que nous avons menés :
1 - Définir la nature précise des prestations de conseil « supplémentaires »
2 - Définir le timing associé à ces prestations
3 - Mettre en place des outils spécifiques permettant une distinction claire avec la mission comptable
1ère étape : définir la nature des prestations de conseil « supplémentaires »
D’après les experts-comptables interrogés, il semble important de bien spécifier la nature de la prestation fournie. Il sera dès lors plus aisé de le faire remarquer au client lorsque les discussions s'orienteront vers ces domaines.
Ces prestations peuvent être formalisées de la façon suivante (il s'agit d’une liste non exhaustive des possibilités) :
- Accompagnement dans l’analyse de l’information financière historique. Général ou sur des aspects précis (saisonnalité du BFR, évolution de l’EBITDA, etc.)
- Aide à la préparation du budget, du business plan ou des prévisions de trésorerie
- Valorisation de la société
- Benchmark par rapport à des entreprises du même secteur
- Consignation des initiatives ESG en lien avec des données comptables
Une fois définies et validées par le client (dans le cadre de la lettre de mission), il sera moins compliqué de justifier une facturation complémentaire en lien avec ces prestations.
2ème étape : définir un processus et un timing
Le fait de cranter ces prestations dans un processus global et de les inscrire dans un calendrier pourrait également faciliter ce travail de pédagogie avec le client.
Cela peut être présenté de la manière suivante (il ne s’agit pas d’un calendrier inamovible) :
- « Dans un premier temps, nous clôturerons votre comptabilité de l’année (ou nous procéderons à l’arrêté mensuel/trimestriel/semestriel de la comptabilité). »
- « Dès que les chiffres seront arrêtés, nous pourrons produire un document d’analyse qui permettra de mettre en avant les principales informations financières relatives à votre activité. »
- « Une fois ce document produit, nous pourrons répondre à toutes vos questions concernant ce document spécifique. Cette prestation s’inscrira dans le cadre de notre mission de conseil. »
- « En supplément de ces analyses, nous pouvons également vous accompagner sur d’autres missions de conseil telles que : préparation de budget, valorisation de la société, comparatif au secteur, etc. qui donneront lieu à des missions spécifiques. »
Définir un calendrier comme celui-ci peut permettre de faire prendre conscience au client que certains sujets seront approfondis le moment opportun et correspondront à une « vraie » prestation spécifique d’accompagnement.
Même si opérationnellement cela peut être compliqué, le fait d’être transparent dès le début de mission sur le calendrier des opérations et des échanges peut faciliter ce travail de mise en avant de la mission de conseil.
Mais cela n’est peut être pas suffisant pour convaincre le client et le recours à des outils spécifiques peut constituer un levier supplémentaire.
3ème étape : Mettre en place des outils spécifiques permettant une distinction avec la mission comptable
L’un des constats qui ressort de nos entretiens est que l’utilisation d’outils spécifiques en support des missions de conseil peut être un véritable avantage pour valoriser ces interventions.
En effet, le client pourra ainsi associer plus facilement la mission de conseil avec l’outil. Cela lui permettra de percevoir peut-être plus concrètement la proposition de valeur à travers les analyses qui seront produites en complément des explications. Accessoirement, cela peut servir d’élément marketing pour mettre en avant le côté innovant du cabinet. (Sur ce sujet, voir notre article :
La Business Intelligence au service des communications financières)
Aujourd’hui, plusieurs plateformes telles que Finthesis permettent d’importer les données comptables et de produire rapidement et simplement ce type d’analyses.
L'expert-comptable doit rester l'interlocuteur privilégié du chef d'entreprise. Mais il doit aussi mettre en valeur les prestations complémentaires qu'il propose à son client. Le fait de distinguer la mission de conseil (dans le temps, dans la nature des prestations et dans les outils utilisés) peut être un moyen de lui faciliter la tâche.